Guerre en Ukraine
Ukrainako gerra Errusiako erasoaren ondorioz hasi zen duela bi hilabete. Mendebaldeko hedabideetan, gehien irakurtzen den analisiak gatazka hau "ongia eta gaizkiaren » artekoa bezala presentatzen du, Ukraina eta bere presidentea "askatasunaren" eta "balio europarren" aldeko borrokaren txapeldunak izanik. Beharrezkoa da analisi sakonago bat egitea, geopolitikoa beraz, gatazka horren eragileak ulertzeko.
La guerre d’Ukraine déclenchée suite à l’agression Russe a débuté il y a maintenant deux mois. Si, dans les médias occidentaux l’analyse qu’on nous sert réduit ce conflit à une question de « bien contre le mal », de « liberté et de démocratie face à l’autocratie poutinienne », l’Ukraine et son président étant à l’avant garde du combat pour la « liberté » et les « valeurs européenne », une analyse plus profonde, donc géopolitique, semble nécessaire afin de comprendre les tenants et aboutissant de ce conflit.
Surtout à l’heure où la plupart des états occidentaux ont - dans un véritable exercice de double-pensée – au nom de la démocratie censuré des médias. Il ne m’appartient pas de juger de la véracité des informations fournies par Russia Today, Sputnik etc, de leur liens avec l’État russe et du degré de propagande dont elles font preuve. Mais une démocratie n’est-elle pas sensée garantir la liberté d’expression et d’information, même lorsqu’elle provient d’une puissance étrangère ?
Mais cette question des médias n’est pas l’objet de ce billet. Pour l’heure, il s’agira dans ce texte de resituer la place géostratégique qu’occupe la Russie dans le monde, notamment vis à vis de la thalassocratie états-unienne, avant de se pencher, dans un second article, plus spécifiquement sur le conflit ukrainien et ses origines.
Avant de développer, il est nécessaire de déconstruire quelque peu l’image de défenseur de la démocratie et de la liberté de l’Ukraine qui est donné par les médias et le ministère des affaires étrangère du pays concerné. Attention, il ne s’agit en aucun cas de justifier l’intervention russe qui constitue une agression inacceptable face à un pays souverain.
L’Ukraine est d’après le site atlasocio.com, 79ème dans le classement des états du monde par indice démocratique et fait figure de régime hybride, entre la démocratie et le régime autoritaire donc. Le même site mesure également la perception de la corruption et elle se retrouve 121ème (sur 188), juste avant la Russie, mais en dessous de Philippines et a égalité avec l’Égypte. On voit donc qu’il est difficile de qualifier cet État de démocratique et vous verrez pourquoi la véritable raison de l’agression russe tient plus de la géostratégie.
En géopolitique, il s’agit de comprendre les implications politique de la géographie au cour du temps. Les facteurs géographiques sont donc déterminants pour comprendre les stratégies des différents états ou empires dans l’Histoire, bien qu’ils ne soient pas les seuls : les idéologies, l’histoire, les religions ou les ressources jouant aussi leur rôle, mais à un degré moins important et ces facteurs pouvant bien souvent être imbriqués les uns aux autres.
Les britanniques puis les états-uniens n’ont eu de cesse de vouloir diviser le continent eurasien face aux diverses tentatives d’unification : guerres napoléoniennes, Allemagne hitlérienne etc. La Russie, de part sa position géographique de puissance continentale allant de l’Europe jusqu’à l’extrême-orient du continent asiatique a fait et fait toujours figure de concurrent naturel aux thalassocraties occidentales.
Au cour du XIXème siècle, empires russe et britannique se sont affrontés en Asie au cour de ce que les historiens ont appelés le « Grand Jeu ». Qu’est-ce que le Grand Jeu ? Dans son livre « le Grand Jeu, Une lecture éclairée de la géopolitique », Christian Greiling le décrit comme au cour du XIXème siècle « la rivalité pour le contrôle de l’Asie centrale entre l’Angleterre victorienne, installée aux Indes, et la Russie tsariste. Cet affrontement épique prenait la forme d’une lutte d’influence, d’alliances avec les tribus locales et d’expéditions militaires ou scientifiques […] ». Nous sommes aujourd’hui face à un nouveau « Grand Jeu » dont « les ramifications s’étendent à l’échelle de la planète et qui vise ni plus, ni moins, à la prééminence mondiale. Une partie de poker infiniment plus complexe, à plusieurs joueurs – Russie, États-Unis, et Chine, auxquels il faut ajouter les éternels frères ennemis Inde et Pakistan, l’Iran, la Turquie, les pays européens-, le tout saupoudré d’islamisme et de terrorisme, de ressources énergétiques fabuleuses, d’une guerre des pipelines sans merci et des conflits locaux irréductibles, dans la zone la plus disputée du monde […].
Christian Greiling, Le Grand Jeu
Le but de la Russie tsariste était donc de se projeter en Asie afin d’augmenter son influence et de contrôler la production et l’acheminement des ressources et matières premières diverses, mais également de viser à sa protection via le contrôle de frontières naturelles, plus faciles à défendre que les vastes steppes d’Asie centrale et d’Europe orientale. Les britanniques quand-à eux, voulaient développer des voies maritimes parallèles, contrôlant l’acheminement des ressources et de richesses de façons à contourner et isoler la Russie par les voies maritimes, son application se faisant notamment par la Compagnie des Indes Orientales qui s’appuyait sur leur colonies asiatiques.
A partir de la deuxième moitié du XXème siècle, se sont les États-Unis qui supplanteront les britanniques, devenant une thalassocratie à l’échelle mondiale, leur puissance économique et militaire leur permettant d’être présentes dans tous les océans et mers du monde, pendant que la Russie deviendra l’URSS. Si les acteurs changent, les règles du « Grand Jeu » restent globalement les mêmes : « Dans la foulée d’Halford Mackinder (1861-1947), la pensée géopolitique britannique puis celles des Etats-Unis, qui en ont hérité, se structure autour de la thèse du pivot du monde (Hearthland). Pour l’école anglo-saxonne, c’est à partir de l’Eurasie, plus particulièrement de son centre, que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques de la planète : ’Celui qui domine le Hearthland commande l’île-Monde. Celui qui domine l’île-Monde commande le monde’. »
Nicholas Spykman (1893-1943), disciple de Mackinder reprend la théorie de Hearthland, en y ajoutant toutefois le Rimland qui entoure, tel un croissant le centre du monde. « Ce Rimland comprend les régions les plus riches et les plus peuplées de l’Eurasie : Europe, Moyen-Orient, sous-continent indien et Extrême-Orient. Pour Spykman, c’est dans cette zone tampon que se joue le vrai rapport de force entre la puissance continentale et la puissance maritime »; il s’agit pour le second « d’empêcher à tout prix l’union du Rimland et du Hearthland en soutenant les états du croissant contre son centre ».
Il est important de noter que les idéologies ont une influence minime dans cette partie d’échec géostratégique. La Grande-Bretagne, qu’elle soit catholique ou protestante, société agraire ou puissance industrielle n’aura de cesse d’appliquer la même politique, tout comme les USA qui n’auront pas peur de s’acoquiner avec des franges extrêmes du communisme afin de contrer l’Union Soviétique déstalinisée. On pense notamment à ses alliances avec la Chine maoïste et les Khmers rouges.
Les puissances anglo-saxonnes étant protégées par les mers, la division du continent eurasien peut faire figure de second niveau de protection. Si une logique défensive avait pu prévaloir au départ, elle est rapidement devenue offensive, afin de viser à l’hégémonie sur le continent-monde eurasien.
Le pivot du monde « Heartland » et le croissant « Rimland »
La Russie quant à elle, ne bénéficie pas de frontières naturelles et étant le passage d’innombrables invasions au cour de son histoire – mongoliennes, napoléoniennes, hitlérienne – elle se sent continuellement menacée. Cette pensée a de tout temps prévalue dans la pensée de dirigeants russes, qu’ils soient tsaristes, bolcheviques ou contemporains, cherchant de tout temps à assurer sa protection en étendant la ceinture de sécurité sur les territoires voisins afin de bénéficier de protections naturelles (chaîne de montagne du Tien Shen, Carpates, Caucase, etc). Poutine n’est que le descendant d’une longue lignée de dirigeants russes obnubilés par la sécurité de leur pays, qui, faut il le rappeler (?), est le plus vaste du monde, s’étend sur une dizaine de fuseaux horaires et ne dispose pas de protections naturelles réelles.
En jaune les frontière naturelles
Il est donc très important d’avoir en tête ces éléments lorsqu’il s’agit de vouloir comprendre les positionnements russe dans la géopolitique mondiale, en particulier le fait de se sentir menacé en permanence.
Malgré sa taille colossale (qui n’est peut-être pas seulement un avantage), la Russie dispose de trois gros points faibles :
Les trois gros point faible de la Russie
1- Celui en Asie qui donne sur l’extrême-orient du pays et la mer du Japon, théâtre de la guerre russo-japonaise (1904-1905) qui mobilisera pas moins de 2,5 millions d’hommes et causera la pertes de 190 000 civils et militaires. Théâtre également de la guerre sino-soviétique des années 1960 sur le fleuve Amour.
2- Au nord face à la Finlande, qui débouche sur l’océan arctique, Mourmansk, la Carélie… et St Petersbourg. Elle sera le théâtre de la guerre russo-finlandaise de 1939, déclarée par le soviétiques suite à l’échec des négociations engagée par ces derniers visant à créer une zone tampon afin de protéger Leningrad d’une éventuelle attaque des allemands.
3- Entre l’Ukraine (tien donc) et le Kazakhstan, il mène a Sotchi (donc à la mer noire), au Caucase et au gros des terres fertiles céréalières et à l’un des principaux bassins d’hydrocarbures. Théâtre de la fameuse bataille de Stalingrad qui durera de juillet 1942 à févier 1943. Cette bataille mobilisera l’armée soviétique face aux armées allemandes, italiennes, roumaines et hongroises coalisées. Plus de 2,5 millions de civils et militaires, pour l’essentiel soviétiques trouveront la mort.
Carte des zones agricoles russe
Ce dernier point faible et ses alentours font particulièrement l’actualité en ce moment, dans ce qui est la guerre d’Ukraine. Conflit qui a débuté non-pas en 2022 mais en 2014 suite au changement de régime post-euromaïdan visant à installer un gouvernement euro-atlantiste en contact direct de Moscou. J’y reviendrai dans un deuxième billet, mais cette première partie était nécessaire afin de resituer ce conflit dans sa globalité géographique et historique.